Techniques d'astronome amateur
Télescopes en détail

Calcul de la position du centre de gravité

d'un tube de télescope

Détermination physique

Après avoir fabriqué (ou s'être procuré) les pièces d'optique, un constructeur de télescope va réaliser le tube de son instrument. Ensuite après avoir équipé celui-ci de ses accessoires (optique, porte-oculaire, chercheur, mécanisme de déclinaison, etc.) il pourra déterminer la position du centre de gravité en disposant le tube horizontalement en bascule sur un cylindre perpendiculaire (Figure 1).

Recherche du centre de gravité
Figure 1 : Pour déterminer la position du centre de gravité on cherche la position d'équilibre du tube. Le centre de gravité est alors à la verticale du point de contact avec le cylindre.

Ainsi quand il aura trouvé la position d'équilibre, il saura que le centre de gravité est à la verticale du point de contact avec le cylindre. C'est la méthode habituelle pour déterminer la position de l'axe de déclinaison et par conséquent la longueur des bras de la fourche qui le supporte (le cas échéant).

Cependant cette méthode n'est pas applicable quand le constructeur a préalablement fixé la position de l'axe de déclinaison comme dans le cas d'une monture en fer à cheval qui impose une longueur maximale sous l'axe de déclinaison. C'est aussi le cas pour la réalisation d'une monture à fourche si on a une contrainte sur la longueur maximale des bras de la fourche pour que celle-ci puisse tenir dans le coffre du véhicule (par exemple).

Il faut alors anticiper en calculant la position du centre de gravité en fonction des différents constituants. On pourra ensuite modifier dans ce calcul le poids ou la densité de chacun d'eux afin d'obtenir la position souhaitée pour l'axe de déclinaison.

Détermination mathématique

Considérons le tube de télescope de la figure 1. Chaque élément constituant ce tube tend à faire le tourner, dans un sens ou dans l'autre, selon son propre poids et sa distance au point d'équilibre.

Le moment d'une force
Figure 2 : Le moment d'une force F par rapport au point O et appliquée en A.

On définit la capacité d'une force (ou d'un poids) à faire tourner un système autour d'un point (le pivot) par le moment de cette force. Habituellement, on l'exprime en newtons-mètres. On nomme bras de levier la distance entre le pivot et la ligne d'action de la force. La figure 2 illustre cette notion.

La force F engendre un moment M :

Avec : = moment de la force par rapport à l'axe O.
            = bras de levier

Les flèches sur les lettres indiquent que les grandeurs sont vectorielles, ce qui signifie pour nous qu'elles sont orientées.

Le moment d'une force
Figure 3 : Le moment d'une force.

La figure 2 nous montre un cas particulier où la force est perpendiculaire au bras de levier. Un cas plus général est montré par la figure 3.

Cette illustration nous montre, comme c'est souvent le cas, que le bras de levier ne correspond pas à la longueur du segment AO. C'est en fait la distance qui sépare l'axe O (le pivot) de la ligne d'action de la force qui doit être considérée comme bras de levier.

Considérons maintenant un système rigide soumis à plusieurs moments, c'est à dire qu'il est entrainé en rotation par plusieurs forces éventuellement antagonistes (figure 4). Ceci nous rapproche de notre sujet car nous envisagerons uniquement des forces parallèles et dirigées vers le bas.

Système soumis à plusieurs moments
Figure 4 : Système soumis à plusieurs moments.

Imaginons que nous voulions obtenir un équilibre entre les moments de ces forces afin que le système rigide figuré par le segment AOBC ne soit pas entraîné en rotation. Pour cela, la somme des différents moments (par rapport au pivot O) doit être nulle.

Développons.

Cette relation serait intéressante si on connaissait la position du pivot (qui est ici le point O) mais c'est justement ce que nous cherchons à déterminer.

Système soumis à plusieurs moments
Figure 5 : Système soumis à plusieurs moments. Les distances sont maintenant référencées au point X.

Référençons donc nos distances par rapport à un point dont nous connaissons la position. Prenons par exemple comme référence le point X appartenant au système étudié et considérons les distances par rapport à lui (figure 5). Nous recherchons la valeur de la distance DX.

Les différentes distances deviennent :

Introduisons ces valeurs dans la formule 3.

Développons :

Ce qui équivaut à :

Résultat :

Application au tube d'un télescope

Nous pouvons suivre cette démarche pour calculer la position du centre de gravité du tube d'un télescope en considérant que le centre de gravité de chaque élément est situé sur l'axe du tube. Il ne faudra pas oublier cette approximation.

Un télescope et ses composants
Figure 6 : Le tube d'un télescope vu partiellement en coupe.

Les forces que nous devons considérer sont les poids des différents composants du tube étudié.

Le poids d'un élément est la force qui l'attire vers le sol du fait de sa masse. Il s'obtient en multipliant sa masse par l'accélération de pesanteur g qui varie selon le lieu. Toutefois on convient habituellement que g = 9,81 m/s² approximativement sur Terre.

Tous les poids que nous devons considérer doivent être calculés avec la même valeur de g. Par conséquent, nous pourrons simplifier nos calculs en considérant seulement leur masse (ce que tout le monde fait habituellement...).

Nous utiliserons l'extrémité basse du tube comme référence et nous chercherons à déterminer la distance X qui le sépare du centre de gravité.

Le tube carré est formé par 4 planches de contreplaqué de 0,8 cm d'épaisseur, de 101 x 32 cm de dimensions et de 0,6 g/cm3 de masse volumique. Leur masse totale est donc :
        M1 = 4 . 101 . 32 . 0,8 . 0,6 = 6 205 g

Pour faire un calcul avec la masse volumique (ou avec la densité) j'ai préféré utiliser le centimètre comme unité de longueur mais à partir de maintenant j'emploierai le millimètre.

Le centre de gravité de ces planches est en leur milieu, soit à 505 mm de l'extrémité du tube.
        D1 = 505 mm

Pour l'ensemble du barillet :
        M2 = 2 700 g            D2 = 30 mm

Pour l'ensemble des 4 baguettes de bois placées aux angles du tube :
        M3 = 420 g           D3 = 527,5 mm

Pour le miroir principal :
        M4 = 4 792 g           D4 = 75 mm

Pour le porte-oculaire avec un oculaire :
        M5 = 500 g            D5 = 780 mm

Pour l'ensemble miroir plan et araignée :
        M6 = 200 g            D6 = 920 mm

Pour le chercheur :
        M7 = 600 g            D7 = 830 mm

Pour le mécanisme de déclinaison :
        M8 = 400 g            D8 = X + 450 mm = X + d8

Pour le bras de déclinaison :
        M9 = 300 g            D9 = X + 250 mm = X + d9

Nous ne prenons pas en compte les composants symétriques par rapport au centre de gravité comme l'axe de déclinaison, les planches de renfort de l'axe de déclinaison, la partie circulaire de l'axe de déclinaison et d'une façon générale tous les composants qui sont centré sur l'axe de déclinaison car ils n'ont pas d'influence sur le résultat de notre calcul.

Une petite complication apparaît avec les deux derniers éléments car leur position est liée à celle du centre de gravité. C'est pour cela que nous partirons de la formule 4 :

Nous pouvons supprimer g de chaque côté de l'égalité :

Introduisons les distances fonctions de X :

Soustrayons "M8 . X" et "M9 . X" de chaque côté de l'égalité :

Et donc nous obtenons :

Remplaçons les variables par leurs valeurs numériques et effectuons le calcul. Nous obtenons :

Si cette valeur ne convient pas, je propose de disposer ce calcul dans un tableur (genre EXCEL) on pourra ensuite faire varier les paramètres de chaque composant (poids, position ou densité) pour obtenir une meilleure valeur de X.

Le résultat de cette simulation est précis si tous les composants du tube ont bien été pris en compte. Pour cela, la valeur que j'ai employée pour la densité du contreplaqué tenait compte de l'enduit et de la peinture.

Toutefois rappelons-nous que nous avons considéré que tous les composants sont dans l'axe du tube, ce qui est inexact. C'est pour cela que je prévois toujours un contrepoids en plomb d'environ 500 g que je dispose sous le tube. Dans le cas présent en introduisant cette masse à 10 mm du fond du tube cela raccourcit de 10 mm la valeur de X. Quand le tube est terminé, je choisis la position de ce contrepoids pour amener le centre de gravité du tube sur son axe afin qu'il soit bien équilibré dans toutes les orientations.