Techniques d'astronome amateur
Le miroir plan du télescope de Newton

Fabrication d'une lentille pour l'appareil de Fizeau

Projet

J'explique l'utilité et le fonctionnement de l'appareil de Fizeau pour le contrôle interférentiel des miroirs plans sur ma page consacrée à la réalisation d'un miroir plan.

Mon premier appareil de Fizeau est très compact mais les images qu’il fournit sont déformées à cause de la forte courbure de la lentille (de récupération : D = 145mm, F = 250mm) et il ne permet pas de voir en totalité les disques de 150mm de diamètre. J’ai donc décidé de tailler une nouvelle lentille d’un diamètre de 180mm, elle a une distance focale de 560mm (c'est la valeur que j'ai mesurée après sa fabrication).

Dans mon stock de verre, un seul disque convenait pour fabriquer ma lentille car il était le seul à posséder des faces polies. C'était un disque de 180mm de diamètre et 25mm d'épaisseur.

Description de la méthode

Comme nous l'avons appris lors de la fabrication du miroir primaire, l'usure mutuelle de deux disques de verre l'un sur l'autre leur fait épouser une forme commune. La surface de chacun de ces deux disques prend la forme d'une calotte sphérique.

Cette méthode aurait pu être employée pour réaliser ma lentille si j'avais possédé un deuxième disque de verre de même diamètre et d'une épaisseur suffisante. J'ajoute que ce creusement aurait été long et épuisant. Mais d'une part, je n'avais pas un tel disque "outil" à ma disposition et d'autre part j'ai voulu tester une autre méthode d'ébauchage...

Pour mettre grossièrement en forme ma lentille, j'ai employé une scie diamantée destinée à couper les carreaux (elle m'a été très utile quand j'ai refait le carrelage de ma maison). J'ai suspendu la future lentille au-dessus du disque diamanté et je l'ai faite osciller tout en la faisant tourner autour de son axe. Ainsi mon disque de verre a été abrasé en prenant la forme d'une calotte sphérique.

Ensuite, pour peaufiner la forme de la lentille, j'ai remplacé la scie diamantée par une meule à eau.

Après avoir obtenu le meilleur état de surface possible avec cette méthode, j'ai réalisé un outil avec un disque en bois sur lequel j'ai collé des petits carreaux de verre. A partir de là, j'ai repris la méthode traditionnelle de doucissage et polissage habituellement employée lors de la taille des miroirs de télescope.

Préparation du disque de verre

Tout d'abord, j'ai fait recuire le disque de verre selon la méthode évoquée sur ma page consacrée à la réalisation d'un miroir plan. Sans cela les tensions internes dans le disque pourraient spontanément briser le verre.

J'ai ensuite collé un disque en bois (contreplaqué CTBX) avec de la cire à cacheter sur la meilleure face du disque de verre. Ceci a une double utilité. D'une part, je pourrais très facilement fixer le dispositif de suspension avec des vis et d'autre part, cela formera un disque plus épais. Cet aspect est important pour la suite car le disque de verre aura le bord trop fin pour être agrippé quand j'effectuerai le doucissage de la manière classique.

Disques initiaux

Avant le collage, j'ai soigneusement peint le disque en bois afin qu'il ne puisse pas s'imbiber d'eau pendant l'usinage. En effet, les différentes procédures destinées à surfacer la lentille se dérouleront en présence d'eau. Par ailleurs, le disque ainsi préparé ne retiendra pas les émeris lors du nettoyage ce qui est essentiel pour la succession des opérations de doucissage.

Disque de verre collé sur le disque de bois avec de la cire à cacheter

On trouve la cire à cacheter dans les supermarchés avec les accessoires d'embouteillage car elle est habituellement utilisée pour rendre hermétique le bouchon des bouteilles de vin.

Cette cire doit être chauffée sans excès (risque d'inflammation) dans une casserole (j'en ai condamné une pour cet usage). Quand elle est bien liquide la cire est versée sur le centre du disque de bois et immédiatement après on lui plaque dessus le disque en verre en appuyant fort et en veillant au centrage des disques.

Ebauchage du disque de verre

J'ai ensuite fixé un dispositif pendulaire à ces disques. j'ai bricolé ce système avec une tige filetée dont une extrémité est courbée en forme de crochet de façon à ce qu'elle puisse s'emboîter sur un roulement à billes. En outre cette vis m'a permis d'ajuster le rayon de l'oscillation et donc le rayon de courbure de la surface de la lentille pour lequel j'ai souhaité une valeur R=260mm.

Avant de débuter le travail, j'ai bien entendu rempli la réserve d'eau de la scie diamantée et j'ai veillé en permanence à la présence de cette eau. Si l'eau venait à manquer, il faut bien être conscient que le frottement de la scie emporterait d'importants éclats du disque de verre.

Ebauchage du disque de verre

Au début, la scie touchait et usait uniquement le bord du disque de verre car j'ai disposé la scie un peu à l'écart. Puis progressivement j'ai rapproché la scie de l'axe du mouvement pendulaire. Ainsi petit à petit, l'usure a recouvert l'ensemble du disque.

J'ai tout d'abord orienté la scie dans le même plan que le mouvement pendulaire. Le résultat n'était pas heureux car cela provoquait des sillons très étroits et il était difficile d'uniformiser la surface.

J'ai ensuite orienté la scie perpendiculairement, le disque était repoussé fortement sur le côté et la manœuvre était très difficile.

J'ai alors opté pour une orientation intermédiaire à 45° environ et le travail était plus aisé tout en étant efficace. La figure 4 montre l'état du disque de verre vers la fin de cette phase qui a duré une heure environ.

Fin de l'ébauchage du disque de verre

L'opération suivante est très semblable à ceci près que j'ai remplacé la scie diamantée par une meule à eau. Il s'agit d'une meule dont le disque baigne partiellement dans de l'eau et qui est habituellement destinée à l'affutage des outils coupants. Elle tourne beaucoup plus lentement qu'une meule classique et elle a un grain relativement fin.

Pré-doucissage du disque de verre à la meule à eau

Comme le montre la figure 5, j'ai orienté cette fois la meule dans le plan d'oscillation du "pendule". Cette photo montre aussi l'ensemble de mon installation bricolée.

L'image suivante montre le résultat obtenu à la fin de ce meulage qui a duré moins d'une heure. La surface du verre est douce et lisse comme après un doucissage au corindon 180.

Surface du verre après le pré-doucissage à la meule à eau

Avant de passer à l'étape suivante, j'ai profité de la meule à eau pour faire un chanfrein à la lentille. Il la protègera des ébrèchements accidentels.

Préparation du disque outil

Pour la suite du surfaçage de ma lentille, j'avais besoin d'un disque outil. Je l'ai réalisé avec un deuxième disque en contreplaqué sur lequel j'ai collé des morceaux de verre. La forme de cet outil devant être complémentaire de celle de la lentille, je l'ai moulé sur la surface de celle-ci.

Pour commencer, j'ai recouvert la lentille avec du papier kraft afin de permettre le démoulage. Ensuite, j'ai cerclé la lentille avec un ruban découpé dans une feuille d'aluminium de 0,5mm d'épaisseur. J'ai ainsi formé une cuvette destinée à recevoir la cire en fusion.

Avant de faire couler la cire, j'ai disposé des morceaux de verre à vitre au fond afin qu'ils recouvrent le mieux possible la surface de la lentille.

Cuvette dans laquelle sera moulé l'outil

Il ne me restait plus qu'à verser la cire en fusion dans cette cuvette puis à recouvrir celle-ci avant qu'elle se solidifie avec mon deuxième disque de contreplaqué. Ce dernier avait été peint au préalable avec le même soin que le premier disque de bois.

La figure 8 montre le disque outil après démoulage. Il n'est pas bien beau mais il convient parfaitement à l'usage auquel je l'ai destiné.

Le disque outil après démoulage

Fin de l'ébauchage et doucissage manuels

Avec cet outil, j'ai ensuite continué le travail de surfaçage de la lentille de la même façon que pour un miroir primaire de télescope.

Si vous ne connaissez pas les procédures de fabrication de ce type de miroir par un amateur, vous consulterez avec profit la bibliographie que je propose sur une autre page.

J'ai commencé par quelques séchées de courses normales avec du carborundum 80 en alternant les positions des deux disques (tantôt lentille dessus, tantôt lentille dessous). Cela me faisait un peu "mal au cœur" d'employer un abrasif aussi grossier alors que la surface de la lentille était lisse mais c'était nécessaire car sa forme était trop éloignée de la sphère. En effet, les bords de la lentille étaient sensiblement rabattus.

Lentille et disque outil après rodage au carbo 80

Après quelques séchées au carbo 80, quand la surface de la lentille était régulièrement rodée, les carreaux de la surface de l'outil n'étaient pas tous régulièrement usés mais ceci n'est pas gênant.

Ensuite j'ai continué le travail "classique" du corindon 120 jusqu'à l'émeri de 60 minutes.

Lentille et disque outil après le doucissage

La figure suivante montre la réflexion vitreuse en incidence rasante qui témoigne de la finesse du douci alors que la lentille est prête pour le polissage. Cette image montre aussi un avantage du disque en bois collé à la lentille. En effet, en l'absence de ce disque de bois, il aurait été difficile d'agripper la lentille pour le doucissage ou le polissage.

La lentille après le doucissage

Polissage de la lentille

J'ai ensuite collé des carrés de poix sur l'outil pour le transformer en polissoir.

Le polissoir avant le pressage

Avant de l'employer pour polir la lentille, je l'ai pressé sur la lentille avec interposition d'une feuille de papier calque. Ainsi, il a bien pris la forme de la surface à polir. Il m'a fallu négocier avec les réticences du papier calque pour qu'il accepte d'épouser la forme sphérique de la lentille...

J'ai effectué ce pressage pendant plusieurs dizaines d'heures en lestant le polissoir avec plusieurs livres épais.

Ensuite, la conduite du polissage pendant 7 heures a été tout à fait classique.

Lentille et outil à la fin du polissage

Après ce polissage, j'ai détaché la lentille du disque de bois avec lequel je l'avais précédemment solidarisée. Pour cela, j'ai inséré la lame d'un couteau dans l'épaisseur de cire entre les deux disques, ils se sont facilement détachés.

J'ai dissous les résidus de cire avec un séjour dans un récipient contenant du white spirit.

La lentille après le polissage

La lentille terminée

Conclusion

Je n'ai pas mesuré la précision optique de cette lentille (vu l'usage auquel elle est destinée) et elle ne figure certainement pas dans la liste des pièces optiques les plus précises que j'ai réalisées. Toutefois, elle m'a permis de fabriquer un nouvel appareil de Fizeau qui m'a apporté beaucoup de satisfactions.

J'ajoute que j'ai trouvé du plaisir dans cette réalisation qui m'a permis de tester des idées qui trottaient dans ma tête depuis quelques temps. J'utiliserai peut-être un jour ces méthodes dans la réalisation de composants optiques plus ambitieux...