La construction d'un télescope d'amateur
"Tous savaient que c'était impossible.
Est arrivé un imbécile qui ne le savait pas... et qui l'a fait !"
(Marcel PAGNOL 1895 - 1974)
Pour quelle raison l'amateur doit-il fabriquer son télescope ?
Le prix ?
Considérons le C14, c'est un télescope du commerce dont l'objectif a un diamètre de 350mm. Il coûte près de 10 000 € alors que le télescope de 400mm "HERCULE" de l'Association Marseillaise d'AStronomie (AMAS) n'a pas coûté grand-chose. Ceci est un cas particulier.
Prenons plutôt l'exemple d'un amateur qui aura comme alternative l'achat d'un instrument de 200mm du type C8 ou la construction d'un télescope de Newton de 200mm. Le C8 avec sa monture coûte environ 2 000 € et le prix de revient de sa construction personnelle sera probablement aux alentours de 800 €.
Le temps nécessaire à la fabrication du miroir principal est de 100 heures. Au total, la construction de l'instrument demandera au moins 300 heures. Mais s'il le souhaite, l'amateur peut trouver des petits travaux rémunérés ou faire des heures supplémentaires dans son travail pour au moins 10 € par heure. En effectuant ainsi 300 heures, il obtiendrait la somme de 3 000 € lui permettant de se payer le C8 ! Construire son propre télescope n'est donc pas justifié par l'économie financière (et encore je n'ai pas évoqué l'achat de matériel d'occasion).
La qualité de l'optique ?
Quelques instruments du commerce ont vraiment une piètre qualité optique. Il me semble que ce sont aujourd'hui des cas exceptionnels. Habituellement, leur niveau de qualité optique est moyen (λ/6 à λ/10). Seuls des amateurs très compétents sont capables d'apprécier les défauts de qualité de ces images.
La qualité de la monture ?
Un constructeur amateur, même débutant, pourra faire une bonne monture, alors que tous les télescopes du commerce que j'ai examinés ont des montures très insuffisantes.
Ces instruments vibrent trop. Le moindre vent complique l'observation. L'alignement des pièces optiques est instable. La mise au point est très difficile, ce qui est gênant lors des observations planétaires car il faut la réajuster en permanence. Les imprécisions du mécanisme d'entraînement rendent fastidieuses les longues poses photographiques car l'instrument suit mal les astres dans leur mouvement apparent.
Les cercles de coordonnées sont trop sommaires pour être efficaces.
Pourtant, un grand nombre d'amateurs se satisfont de la qualité industrielle et certains réalisent de très bonnes observations.
La conception de l'instrument ?
Le constructeur amateur réalisera l'instrument selon ses goûts et ses besoins. Dans le commerce il devra se satisfaire des modèles existants. Les miroirs plans des télescopes de NEWTON du commerce sont trop petits. Les SCHMIDT-CASSEGRAIN ne sont ni des SCHMIDT ni des CASSEGRAIN et sont peu performants à l'usage (buée, faible champ, focale trop longue, faible contraste des images au crépuscule, etc.).
L'amateur qui est déterminé à posséder un télescope dont la formule n'existe pas dans le commerce devra le fabriquer. Toutefois il faut noter que dans les cas usuels, les défauts de conceptions ne justifient pas la construction d'un instrument.
Les plaisirs de la construction d'un télescope ?
La construction d'un télescope est une activité passionnante pour celui qui l'aime. Elle peut même être pratiquée en groupe avec des amis, ceci peut apporter des satisfactions supplémentaires. En fait, je crois que le plaisir éprouvé en construisant un télescope est la seule justification possible pour se lancer dans cette entreprise fastidieuse.
Ceci explique qu'un grand nombre de télescopes d'amateur restent inachevés car leurs créateurs ont trouvé ce travail rebutant.
C'est tout d'abord pour le plaisir qu'un amateur construit son télescope.
- Très bien, je vais essayer.
- Non, n'essaie pas ! Lui répondit Yoda.
Fais-le... ou ne le fais pas, mais il n'y a pas d'essai.
Comment doit-on s'y prendre pour construire un télescope ?
L'inachèvement (en fait, l'abandon) est le seul échec possible dans cette tâche. Le but du constructeur sera donc de terminer ce qu'il a commencé.
Il faut tout d'abord se documenter et lire :
Il faut aussi en parler avec ceux qui ont déjà construit leur instrument.
Pour son premier instrument, l'amateur devra construire un télescope "standard". C'est à dire un Newton de 200 mm de diamètre équipé d'une monture équatoriale. Il devra éviter tout montage exotique. Je lui conseille de reproduire un appareil qui fonctionne déjà comme le télescope de 200mm VOYAGER de notre association.
La première décision à prendre concerne l'optique. Doit-il réaliser ou acheter cette optique? La réalisation d'un miroir de 200 mm ouvert à F/D=5 ou 6 est à la portée d'un bricoleur soigneux et motivé. Elle nécessite une centaine d'heures de travail. Une première expérience dans la fabrication d'un tel miroir est nécessaire avant d'aborder la taille d'un réflecteur de plus grand diamètre.
Pour le reste de l'instrument, il n'y a pas de choix, il faut recopier des solutions déjà éprouvées. Un grand nombre d'amateurs veulent essayer des solutions originales dès leur première fabrication. Cela aboutit systématiquement à un échec.
Des constructeurs novices me demandent parfois comment réaliser un montage que je leur déconseille.
A quelques mots près, je retrouve souvent le dialogue suivant :
Je ne peux pas m'empêcher d'esquiver la réponse en posant une autre question :
- Pourquoi veux-tu faire une monture allemande pour ton Newton de 200mm?
A ce moment mon interlocuteur marmonne dans sa barbe et ne me donne aucun argument valable. Il peut même manifester une mauvaise humeur.
- Parce que c'est bien, me dit-il enfin.
- Je te déconseille de fabriquer une monture allemande pour cet instrument.
J'ai alors droit à une envolée "lyrique" et même à des réprimandes. Mais mon collègue ne cherche aucunement à comprendre les raisons de mon conseil. La conversation se bloque en partie, il ne saura jamais pour quelle raison la monture allemande convient très mal à son cas de figure.
Il me dit :
- Untel a déjà fait une monture allemande et il en est très content.
- Eh bien!, lui dis-je, demande donc les conseils à Untel car moi je n'ai jamais réalisé de monture allemande pour un télescope comme le tien.
La conversation se termine là. Mon collègue est frustré et de mauvaise humeur. Je suis moi-même ennuyé, je n'ai pas fait passer mon message.
J'ai eu cette conversation au sujet d'autres détails techniques tels que :
- forme du tube (ronde, octogonale, ...)
- mécanisme d'entraînement à vis sans fin.
- Position du mécanisme de déclinaison.
- Chercheur à renvoi coudé.
- Couleur du tube.
- Monture métallique...
- etc.
A chaque fois j'ai eu l'impression que mon interlocuteur recherchait plus mon approbation que mes conseils.
Les épreuves à surmonter :
La conscience de soi est le premier obstacle à la réalisation de n'importe quelle action physique.
(Bruce LEE 1940-1973)
Il y a tout d'abord la durée de cette entreprise qui peut provoquer une démotivation. En effet, la construction d'un télescope est habituellement étalée sur un ou deux ans.
Il y a aussi les moqueries de l'entourage qui n'admettra à aucun moment que cette construction personnelle sera de bien meilleure qualité qu'un instrument du commerce.
Il est parfois difficile de trouver l'espace nécessaire. Certains ont fabriqué leur miroir dans leur cuisine après avoir longuement négocié avec leur épouse. D'autres ont construit la monture dans leur appartement en prenant mille précautions pour éviter de générer trop de poussière. Un étourdi a même peint son instrument dans son appartement avec des bombes de peinture, ce qui ne fut salutaire ni pour les murs, ni pour le plafond.
Quels résultats peut-on obtenir?
Un télescope correctement fabriqué par un amateur fournira au moins tout ce que l'on peut attendre d'un instrument acheté dans le commerce.
Si le constructeur a été soigneux avec l'optique, les images fournies seront plus détaillées. Si le tube a été réalisé en bois et largement dimensionné les images seront moins influencées par la turbulence de l'air à l'intérieur de l'instrument. De plus, comme nous l'indiquions plus haut la qualité de la monture apportera beaucoup de satisfaction.
Mais le résultat le plus agréable est sans doute le plaisir d'avoir construit un instrument performant avec ses propres mains et la satisfaction d'admirer les belles images et les superbes photographies qu'il fournit.
L'astronome amateur qui a l'habitude de finir ce qu'il commence et qui est sûr d'éprouver de la joie dans la fabrication d'un instrument d'optique doit se lancer dans cette aventure. La construction d'un télescope d'amateur lui apportera de grandes satisfactions et une fierté bien méritée.
Je vous propose une bibliographie sur la fabrication des télescopes d'amateurs.
